les 12 travaux d’Her…vé !!!! ou le parcours du combattant d’un motard européen

Hervé est un nouvel adhérent, soucieux des conditions dans lesquelles il pratique le deux roues, et qui, en plus d’avoir alerté notre attention sur certaines infrastructures routières inadaptées ou dangereuses, a tenu à nous faire profiter de son expérience du parcours du combattant vécu lors de ses démarches pour immatriculer une moto achetée à l’étranger.

On lui laisse la parole…

j’ai fait l’acquisition d’une BMW K75 RT l’année dernière. J’ai trouvé une perle rare grâce à une annonce sur le web.

                                           

Un médecin allemand possédait cette machine depuis une vingtaine d’années et la conservait dans un garage chauffé au milieu d’une écurie de véhicules tous plus coûteux les uns que les autres… mais il ne s’en est presque pas servi : contrôle technique effectué, pneus neufs, freins neufs, état général impeccable et 28 000 km au compteur. Je me suis dis qu’avec l’UE, acheter une moto d’occasion en Allemagne était probablement un jeu d’enfant. Les employés de la préfecture de Rouen et ceux de BMW France n’ont pas tardé à m’asséner un démenti radical. Les démarches sont en fait compliquées. Les délais et les
coûts sont excessifs. C’est aussi à cette occasion que j’ai pu observer qu’il existait en France un commerce de la carte grise des véhicules d’occasion.

J’ai listé les démarches et les observations que j’ai faites. J’ai déjà envoyé ce texte à UFC Que Choisir qui n’a donné aucune suite. Pourtant je trouve que c’est un scandale qui mériterait d’être signalé. A vous de juger !

18 avril 2016 : je paie un acompte pour l’achat d’une moto auprès d’un vendeur particulier en Allemagne. Le vendeur, comme le prévoit la réglementation allemande, signale auprès du bureau d’enregistrement des véhicules, qu’à partir de cette date le véhicule ne lui appartient plus ; cette administration enregistre cette déclaration qui est spécifiée au dos de la carte grise (Fahrzeugschein) allemande de la moto. Le vendeur doit retirer la plaque d’immatriculation.

Remarque 1 : à partir de cette date, la moto n’appartient à personne officiellement puisque la Préfecture de Rouen ne pouvait pas déjà me délivrer une carte grise à mon nom. L’U.E. n’ayant pas harmonisé les procédures de vente de véhicules d’occasion, il y a forcément une période pendant laquelle il y a un vide juridique.

                                                    

20 avril : je me rends en Allemagne pour prendre possession de la moto. Comme j’en ai le droit, je peux rentrer chez moi sans avoir l’immatriculation française. Mais je demande au vendeur de remettre sa plaque puisque je ne peux pas rouler en France sans immatriculation et je parcours 650 km d’Unna près de Dortmund jusqu’à mon domicile près de Rouen avec une moto immatriculée en Allemagne en contravention avec la législation allemande.

                                              

21 avril : je demande et obtiens rapidement et sans problème auprès du Centre des Impôts dont je dépends, le Certificat d’acquisition d’un véhicule terrestre à moteur en provenance de l’Union Européenne par une personne non identifiée à la TVA, document à joindre au dossier de demande d’immatriculation en France.

Avant l’achat de la moto, je m’étais renseigné et avais appris de la Direction Régionale de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement, service des transports, bureau des véhicules, à la Cité Administrative Saint-Sever, qu’il me faudrait demander un certificat de conformité à joindre au dossier de demande d’immatriculation en France.

                                                 

23 avril : J’envoie, par la poste, la demande de certificat de conformité.

Remarque 2 : L’administré qui veut immatriculer en France un véhicule d’occasion acheté dans un autre pays de l’U.E. doit prouver que ce véhicule est bien conforme à la réglementation française. Or, en ce qui concerne cette moto, elle a été vendue en grand nombre en France et partout dans le monde puisque cette célèbre marque allemande a équipé les police et gendarmerie françaises. J’ose supposer que les représentants de la loi française roulent sur des motos conformes à la réglementation !

Remarque 3 : L’Etat français exige que l’administré établisse la preuve de la conformité de son véhicule ; mais il n’y a pas d’administration publique pour examiner le véhicule et délivrer le document. L’administré est renvoyé vers une société privée. En l’occurrence, BMW-France, habilitée à délivrer le précieux sésame pour tout véhicule de la marque acheté ailleurs qu’en France.

                                                            

Remarque 4 : Non seulement l’Etat délègue à des société privées, mais les délais d’obtention et les prix sont libres. BMW-France a exigé 170 € pour délivrer l’attestation d’identification d’un véhicule usage importé, conforme à un type national, document d’une page qui reprend simplement ce qui est noté sur la carte grise originelle allemande (2 documents : Fahrzeugbrief et Fahrzeugschein) dont j’avais fourni les copies. D’autre part, j’avais dû emplir un formulaire à télécharger sur le site de BMW-France sur lequel j’ai dû indiquer tous les renseignements que je retrouverai sur l’attestation officielle. Et il a fallu une dizaine de communications téléphoniques (numéros spéciaux surtaxés) et 7 semaines d’attente avant de l’obtenir.

                                              

Remarque 5 : Il ne faut pas s’imaginer que les administrations privées sont plus rapides, plus efficaces ou plus à l’écoute de la clientèle que les administrations publiques.

Pendant ces 7 semaines, je prends la précaution de vérifier que mon dossier de demande d’immatriculation est bien complet.

                                                  

Remarque 6 : J’ai envoyé un message électronique par le canal du site officiel de la Préfecture pour me faire préciser certains points concernant les démarches me concernant ; je n’ai jamais eu de réponse.

Il faut fournir l’imprimé cerfa de demande d’immatriculation, le certificat d’acquisition délivré par le centre des impôts, le certificat de conformité délivré par BMW-France, les originaux et les copies des 2 documents allemands faisant fonction de carte grise, et du certificat de cession signé par le vendeur et l’acquéreur (2 feuillets en Allemagne ; à noter : il est porté le montant de la transaction, et le montant de l’acompte versé). En plus, il faut fournir les documents demandés pour les véhicules français : copie de la carte d’identité de l’acquéreur, justificatif de domicile.

                                                  

Remarque 7 : J’ai lu sur le site officiel du gouvernement que certaines préfectures demandent la traduction en français des documents étrangers. Mais quand je cherche à savoir si la Préfecture de Seine-Maritime est concernée, personne à la Préfecture ne sait : « oh, si vous aviez acheté la moto en Turquie, je pense qu’il faudrait une traduction, mais pour l’Allemagne, ça devrait aller ! » sera la seule réponse que j’obtiendrai !

                                                              

Dernier point : quel est le montant de la taxe à payer pour obtenir l’immatriculation française. Sur le site de la Préfecture, il y a un simulateur. J’entre les renseignements concernant la moto et j’obtiens un montant. Mais, à moitié convaincu, je me rends à la Préfecture et je demande si je dois bien payer ce montant-là. « Non, le simulateur ne fonctionne que pour les véhicules achetés en France. » Mais alors, je fais comment ? « Quand votre dossier sera complet, portez-le sans le chèque, on vous appellera pour vous indiquer combien vous devez payer et vous reviendrez porter le chèque. »

Remarque 8 : ça se passe de commentaires !

                                                    

15 juin : Je trouve dans ma boîte à lettres l’attestation de conformité que BMW-France a enfin rédigée et envoyée. Mon dossier est complet ! Il me reste à le déposer à la Préfecture. Comme l’histoire du chèque ne me plaît pas, je refais la queue pour essayer d’obtenir un renseignement sur ce que je dois payer. Mais l’employée me confirme que personne ne sait à combien s’élève la taxe pour les véhicules importés.

Remarque 9 : Je finis par suivre les conseils de cette dernière personne. Je fais un chèque en blanc à l’ordre du Régisseur de la Préfecture afin de limiter les délais d’obtention de la carte grise. Procédé extrêmement douteux qui semble avoir cours dans un temple de l’Etat.

Je dépose mon dossier dans une grande boîte en bois sur laquelle est apposée une affichette : les délais pour le traitement des demandes de carte grise déposées par des particuliers sont d’un mois. Une moto achetée le 18 avril devrait logiquement être immatriculée de façon réglementaire vers la mi-juillet.

Remarque 10 : Vive la simplification administrative !

                                                 

8 juillet : le dossier m’est retourné par la poste ; motif : je n’ai pas fourni de certificat de contrôle technique. Je retourne à la Préfecture de Rouen et attends une bonne heure avant d’être reçu par une employée ; celle-ci ne regarde qu’une seconde le dossier avant de me déclarer qu’en effet, c’est une erreur, mon dossier est bien complet (contrairement à l’Allemagne, il n’existe pas en France de contrôle technique effectué par un Centre agréé pour les motos). Comme j’insiste pour que mon dossier ne reparte pas pour un mois d’attente, elle m’affirme qu’elle fera son possible.

                                               

La moto a été immatriculée le 26 juillet, c’est à dire plus de trois mois après l’achat et le début des démarches. Les frais d’immatriculation prélevés par la Préfecture se sont élevés à 67,76 € pour une moto de 7 CH fiscaux (puissance nette maximale : 55 CH) mise en circulation pour la première fois en 1994. Pendant ce temps, j’ai roulé avec une immatriculation allemande et une assurance française faisant mention d’une immatriculation totalement illégale.

Mais il y a encore plus fort. J’avais appris grâce au site gouvernemental ants.gouv.fr qu’il existait des « partenaires » susceptibles de se substituer aux administrés pour certaines démarches, notamment pour obtenir des documents officiels. En ce qui concerne les cartes grises, il s’agit tout simplement de garagistes. Lorsqu’ils vendent un véhicule neuf ou d’occasion, ils peuvent, s’ils sont agréés, faire l’inscription de l’acquéreur par Internet. Certains d’entre eux dépannent aussi les administrés qui ont acheté un véhicule d’occasion à un particulier. (NB : ça ne marche pas pour les véhicules achetés à l’étranger, même dans l’U.E.)

Remarque 11 : Là encore, l’Etat se défausse sur des sociétés privées, et, mieux, leur donne l’avantage sur l’administré lamda. En effet, s’il faut un mois d’attente pour le particulier à partir du jour de dépôt de son dossier, le professionnel, lui, obtiendra une carte grise en 4 jours à partir de l’inscription à la Préfecture par Internet.

Remarque 12 : Et que croyez-vous qu’il arrivât ? Le « service » peut être facturé au client, et les prix sont libres, généralement 15 à 20 € pour un véhicule d’occasion acheté en France.

                                        

Je viens de rencontrer un nouvel acquéreur de véhicule d’occasion qui a payé 30 € dans un garage d’Elbeuf pour obtenir sa carte grise en 2 jours. Plus les délais s’allongent pour les particuliers, plus les prix des « services » proposés par les « professionnels agréés » augmentent.

                                      

Sur ce, il semblerait donc qu’Hervé ait fini par venir à bout de l’ogre administratif, éternel combat du pot de terre contre le pot de fer.

Souhaitons lui désormais bonne route et de longs kilomètres futurs de plaisir sur son valeureux K75.

Et si vous voulez vous simplifier la vie en homologuant un K75 acheté à l’étranger, optez plutôt pour la solution suivante. ça aide grandement les choses !!!  ;o))

                                           

Arno

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